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De l’inconvénient d’être Cristiano Ronaldo

J’aime bien faire des portraits -on s’en est aperçu. Rien de tel que la joie de réussir à traduire un état d’esprit, une volonté, une émotion. Je m’applique à faire des portraits ressemblants… mais pas trop:  si je tends à reproduire exactement une photo, qu’est-ce que j’obtiens? Une copie de la photo -qui d’ailleurs, étant originale, restera toujours plus proche de la réalité de la personne que ma copie, aussi travaillée soit-elle. 

Vais-je donc travailler vingt heures pour avoir un portrait plus ressemblant… alors qu’il me suffit de photocopier ou d’imprimer l’originale ? Evidemment non! Non parce qu’il ne s’agit pas de faire une copie mais une interprétation, une traduction dans mon propre langage. Et dans cette interprétation se niche toujours une quantité de déformation: les visages du Greco et les cous de Giacometti sont allongés, les femmes de Da Vinci tendent vers le blond et celles de Botero vers l'embonpoint. C’est aussi une manifestation de leur style.

Si je me mets à faire le portrait d’une personne connue, homme politique, femme de lettres ou comédien, quelle déformation physique puis-je apporter pour qu’elle soit acceptée voire appréciée?

Cherchez les (tentatives de) portraits et sculptures de Cristiano Ronaldo: un coup d'œil à la galerie de Google permet de voir qu’elles sont souvent ratées. Mais ratées pourquoi? En fait, il y a toujours un nez un peu trop droit, une veine trop saillante, une mâchoire trop carrée. Donc une petite déformation physique. C’est peut-être une injustice: on ne voit qu’une œuvre “nez trop long” de CR7 par un peintre qui en fait à un style qui donne systématiquement un nez trop long à ses modèles. Alors ce qui apparaît comme une malformation pourrait apparaître comme un style si elle était au milieu des autres œuvres du même artiste. Cela n’empêche que quand l'œuvre veut manifestement singer la photo, elle se plante (en général).

Au contraire, il y a d’autres portraits de CR7 qui sont finalement assez réussis: ce sont globalement ceux qui s’éloignent délibérément des images originales. En assumant plus leur style, elles rendent plus justice au modèle.

Je me disais autrefois qu'il est plus prudent de peindre des gens parfaitement inconnus: le public ne viendra pas protester pour un manque de ressemblance. Je me dis maintenant que le problème n’est pas là. Il s’agit surtout d’être fidèle à mon style plutôt qu’à mon modèle, d’assumer les distorsions que j’apporte.

Il y a eu dans le passé des peintres célèbres qui ont fait les portraits des fameux de leur temps, rois, aristocrates, banquiers… en exprimant clairement leur style: ils sont restés, voire devenus célèbres avec ces portraits. Regardez les mignons minois d’Elizabeth Vigée-Le Brun, les teints toujours frais de François Boucher ou les allures toujours élégantes de Giovanni Boldini

Preuve qu’à tout prendre, Cristiano Ronaldo peut préférer des portraits très originaux et éloignés de son image réelle plutôt que des quasi-photos aux petits défauts très désagréables.


Portrait d'Arthur Rimbaud, d'après sa dernière photo connue... et d'après mes envies
Portrait d'Arthur Rimbaud, d'après sa dernière photo connue... et d'après mes envies

 
 
 

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