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Aurèle de Fouay est né en 1969 en Sarthe. Il a vécu au Burkina Faso et quinze ans au Mexique. Il est périodiquement ingénieur, formateur, consultant, écrivain... et artiste.

Aurèle de Fouay, j’imagine que ça a été facile pour vous de faire cet autoportrait ?

Oh, si vous saviez comme j’ai souffert pour le faire ! Beaucoup de photos, une sélection, et puis me dessiner en acceptant de visiter chacune de mes rides… Et c’est une souffrance paradoxale car, quand je dessine sans prendre aucune image comme point de départ, je fais systématiquement un autoportrait !

Essayez et c’est vous-même qui apparaitrez dans votre dessin. Ce n’est pas surprenant : notre visage est souvent celui qu’on connait le plus, qu’on voit changer et mûrir.

D’où vient cette passion exclusive pour les portraits ?

Je n’ai pas toujours fait des portraits… j’ai commis quelques œuvres abstraites, des marines, des arbres… mais aujourd’hui je cherche des visages, les visages vrais de vraies personnes, souvent invisibles, saisies dans leur vérité du quotidien. Il faut voir les visages des gens et y lire leurs histoires.

Pourquoi ce mot histoire revient régulièrement dans votre œuvre ?

Le mot histoire est le point commun de mes passions: dessiner l’histoire d’un visage, lire ou écrire des histoires, apprendre la grande Histoire des hommes ou les petites de nos quotidiens, écouter l’autre me raconter la sienne, admirer les images de l’histoire des personnes. Que ce soit au travers de livres, de films, du théâtre, de la peinture ou des voyages, ce qui me touche c’est l’histoire. J’aime comprendre comment nos vies sont d’abord un infini entrelac d’histoires.

Et il y a une injustice profonde à ne pas voir les histoires particulières des personnes, car elles sont passionnantes et belles ; et encore mieux : parce qu’elles nous enrichissent, elles nous élèvent, elles font de nous des femmes et des hommes plus profonds, plus subtils, plus sereins. Un portrait n’est pas seulement un visage : la vie écrit une histoire sur de la chair, comme un écrivain le fait sur du papier. Un portrait doit donc refléter une histoire humaine, ses luttes et ses bonheurs et qu’il soit associé à un texte : les traits des mots dialoguent avec ceux du dessin, les complètent.

Si on ne fait pas ça, on met sur nos murs des portraits froids, avec de belles femmes sans identité, d’élégants visages sans histoire, d’astucieux éclairages sans émotion. Des images superficielles sur lesquelles glisse notre regard. Des images artificielles qui assèchent notre humanité.

Je ne cherche pas d’images esthétiquement parfaites, je cherche des visages vrais d’hommes et de femmes, d’enfants, de vieillards qui portent leur histoire dans leurs regards, leurs rides, leurs sourires et leurs larmes.

Mon travail consiste alors à interpréter la photo pour y apporter des éléments dessinés qui expliquent la personne : des ombres accentuées, des parties incomplètes, des couleurs différentes qui vont souligner quelques traits de personnalité.

Je prend des photos de personnes rencontrées, dans leur vie, quelle qu’elle soit. Je collecte des photos de personnes auxquelles je m’intéresse. J’associe avec précaution l’histoire ou les histoires de cette personne à son image.

Je veux qu’on devine dans les traits et la forme du visage, la folie du tueur, la souffrance du malade, le désir de l’amoureux, la solitude de l’ancien, la tendresse de la mère, l’innocence de l’enfant, l’énergie du travailleur, l’espoir du migrant, la violence du soldat, le désespoir de la victime.

C’est difficile à faire, je n’y arrive pas toujours. J’élimine beaucoup de dessins. Je ne garde que celui qui est vrai et qui, associé à une histoire, permettra au spectateur de se rapprocher de ce visage, de cette personne, de son histoire et surtout des valeurs et émotions qui l’ont traversé. De dialoguer avec un autre regard.

Quelles sont vos influences artistiques principales ?

J’ai une admiration sans bornes pour Rembrandt et Dürer et la maestria avec laquelle ils ont innové dans l’art du portrait.

J'apprécie beaucoup les expressionnistes comme Jawlensky mais aussi des passeurs de frontière tels que De Staël ou Basquiat. Ou des contemporains comme Hongyu Zhang.

Je lis régulièrement de la bande dessinée et elle a toujours eu une influence sur mon dessin.

Quelle personnalité d’Aurèle peut-on lire dans votre ligne artistique ?

Mes créations reflètent trois aspects importants de ma vie : d’abord mon attachement à la figure humaine et à l’histoire qu’elle représente ; ensuite mon inquiétude face à la mort et à la vieillesse, enfin mon conflit intérieur entre une volonté de contrôle (avec des gestes précis jusqu’au pointillisme) et un instinct de liberté qui me pousse à l’improvisation.

Comment votre technique artistique évolue-t-elle?

J’ai utilisé plusieurs techniques : feutre, aquarelle, encre. Je suis aujourd’hui passionné par le trait : sa puissance et sa clarté, la difficulté à le maitriser, ses relations avec l'écriture, la calligraphie ou la typographie, la traduction passionnante de l'image en traits…

Mon style évolue, il a beaucoup gagné en contrôle des ombres et des lumières, des mouvements des traits.

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