J’aime le ballon, c’est-à-dire tous les ballons du monde. Je porte encore cet amour de la balle, intact depuis le premier jour, quand je n’avais pas deux ans et qu’on m’a mis cette sphère rebelle dans les pattes pour que je dribble une chaise. Et c’est aussi l’inverse : le ballon m’aime et cet amour me porte. Regarde-moi dans ma remontada, trente ans après : chaque minute passée avec le ballon est pure passion. Je souris, je ris, je jubile : je suis avec un ballon et des potes. Le reste, je m’en fous : les autographes, les caméras, les contrats, les millions, tout ça, c’est rien. Tout ce qui compte c’est le ballon adoré, c’est le jeu qu’on va inventer autour de lui, pour lui, un jeu toujours nouveau, toujours recommencé. Pourquoi simuler une faute, pourquoi discuter avec l’arbitre ? Pourquoi même s’avouer vaincu ou triste quand le match roule encore ? L’important c’est le ballon : je joue avec et c’est la seule chose qui compte.
Je n’ai pas de don extra-terrestre : il y a des footballeurs qui contrôlent aussi très bien le ballon; d’autres qui possèdent presque toute ma science du mouvement ; d’autres encore qui sont des experts du jeu sans ballon. Mais je possède tous les atouts : le don du tir de Cristiano Ronaldo, le sens du dribble de Zidane, la vista de Xavi et d’Iniesta, la passe juste de Beckham, la créativité de Ronaldinho, la conduite du ballon de Maradona. J’ai inexplicablement raflé tous les as. Je vois des espaces que personne ne voit, j’ai l’œil comme Mozart avait l’oreille: absolu.
Je suis une légende qui vit simplement et ma vie se résume à trois rectangles : l’écran pour les films et les jeux vidéo, le lit pour dormir et, surtout, surtout, le terrain pour le foot.
J’aime le ballon, le ballon m’aime et cet amour me porte.