Je suis le capitaine du Barça. C’est moi qui m’infiltre dans la surface parisienne, fait une magistrale talonnade en tombant et provoque le but contre son camp de Kurzawa.
J’ai l’air invincible… et pourtant, peu après le but de Cavani, je sors, remplacé par Arda Turan et je cède mon brassard de capitaine à Messi. Moi, Iniesta, joueur espagnol le plus titré de l’histoire, je sors malgré ma maîtrise absolue d’un milieu de terrain, malgré mes années de règne avec Xavi et Messi à faire ce tiki-taka imparable, cette danse des passes courtes et immédiates qui mettait le ballon sous séquestre et l’adversaire sous hypnose. Je sors malgré mes passes que je suis seul à faire, mes passes que personne n’avait vues. Je sors malgré l’élégance parfaite de ma course et ce bon goût que j’ai de marquer en finale de coupe du monde. Je sors parce que je n’ai plus la force de tenir les quatre-vingt-dix minutes d’un match de Champions League. Je sors parce que je suis vieux. D’ici peu je n’aurai plus la force de faire ces matchs de Liga espagnole qui exigent de moi, deux fois par semaine, un semi-marathon, une dizaine de cent mètres et des chutes, des chocs et des coups sans compter. Je vais bientôt vivre cette petite mort des sportifs de haut niveau, quand ils décrochent. Cette première expérience de sagesse qui leur tombe dessus quand ils s’éloignent des terrains et disparaissent des écrans. Amère expérience quand les journaux sportifs ne publient plus votre photo et quand les supporters des nouveaux temps oublient bientôt votre nom qui s’estompe. Passer de la lumière à l’ombre. Et découvrir enfin tous les vrais gens qui vous entourent. La petite mort des sportifs.
Je vais émigrer, quelques semaines après la Remontada, vers le club de Vissel Kobe, au Japon.